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Colloque du CERLI 2008

Imaginaire médical dans le fantastique et la science-fiction

27-29 novembre 2008 - Université Lyon 1 ; Dir. Jérôme Goffette, Lauric Guillaud & Françoise Dupeyron-Lafay

Présentation
Science médicale et imaginaires

Au cours du dernier siècle, la médecine a accompli une extraordinaire transformation de ses savoirs, de ses pratiques et de son image sociale. Pour autant, ces progrès fulgurants des « nouvelles sciences » du XIXe siècle, loin de brider l’imagination collective, l’ont en fait aiguisée. Par exemple, nourris par les thèses de Galton, Darwin, Huxley, Freud, etc., H. G. Wells et son temps furent littéralement « hantés » par le « progrès » médical et la recherche scientifique qui suscitaient autant de rêveries merveilleuses qu’un sentiment réel de terreur devant le changement qui s’amorçait. De même, la découverte de la circulation sanguine par Harvey n’a pas oblitéré l’imaginaire des équilibres et des tempéraments issu de la théorie humorale hippocratique, et l’imaginaire engendré par la physiologie de Claude Bernard n’a pas éclipsé celui, horrifique, né des planches anatomiques de Vésale. Ainsi, à côté d’une science où le dernier état des connaissances fait loi, il existe un patchwork d’imaginaires sans péremption, avec lesquels le médecin, face au patient, doit parfois composer.

 
Des oeuvres frappantes

La perspective médicale introduit nombre d’images fortes dont la littérature et le cinéma aiment à s’emparer – les effets de sciences sont propices aux effets de fantastique. Comment ne pas voir dans Frankenstein de Mary Shelley – et dans le cinéma d’horreur – un prolongement du saisissement provoqué par les planches anatomiques ? Les thèmes médicaux, comme la toxicologie, se glissent dans la fiction sur un mode angoissant, apparaissant chez N. Hawthorne (« La fille de Rappacini », 1844) ou Conan Doyle (The Poison Belt, 1913). L’oeuvre de Wells abonde en éléments médicaux : les bactéries dans La Guerre des mondes (1898), la chirurgie anatomique dans L’Ile du Dr Moreau (1896) ou le principe chimique de croissance dans La Nourriture des dieux (1904). Parfois pour le meilleur et souvent pour le pire, la science médicale se pose en utopie ou contre-utopie, comme dans Erewhon (S. Butler, 1872) ou Le Meilleur des mondes de Huxley. L’eugénisme ou l’euthanasie influencent « La SS » (1895) de M. P. Shiel. N’oublions pas la « parenté du savant pervers et du meurtrier » (Louis Vax) avec le thème du savant fou, souvent un médecin qui s’affranchit de l’éthique et des tabous : de Frankenstein (Mary Shelley, 1818) au Dr Lerne, sous-dieu (Maurice Renard, 1904), les exemples foisonnent. L’occultisme ou la magie noire peuvent même se combiner au scientisme pour produire des effets angoissants (Chillingworth dans La Lettre écarlate d’Hawthorne). Au XXe siècle, le lien est encore plus explicite entre médecine et désastre, comme le montre l’oeuvre de J. G. Ballard (The Drowned World, 1962 ; The Crystal World, 1966). D’autres thèmes périphériques entretiendront la peur : génétique, clones, immortalité, mutants, animation suspendue, etc. Autant de thèmes liés au corps ou à l’esprit malades. Le cinéma reprendra l’ensemble de ces thèmes (horreur, fantastique, SF) en apportant un regard complémentaire.
 

Des explorations humaines

Pour autant, la littérature n’est-elle que cela : un « après », un écho, un effet secondaire ? Par exemple, comment ne pas voir, dans Dr Jekyll et Mr Hyde de Robert Louis Stevenson, à la fois un imaginaire de la pharmacopée, pris dans une dimension fantastique et morale, mais aussi une anticipation vis-à-vis du médicament psychotrope : questionnement des bénéfices et des risques, interrogation sur l’incertitude scientifique – perspectives contemporaines s’il en est ? Si la mort et la souffrance, le contact avec l’intimité et la connaissance des secrets du corps sont le quotidien du médecin, ils sont aussi au coeur des préoccupations humaines. Ils sont donc aussi au coeur de la littérature et du cinéma, tout particulièrement dans ces imaginaires concentrés que sont le fantastique et la science-fiction.
 




 



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